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1 - Augmenter les rendements
agricoles de l’Afrique
_ Selon le NEPAD, il
faut plus d’engrais, d’irrigation et autres intrants
Emily Miyanda est mieux lotie que la plupart des agriculteurs de la Zambie,
pays en proie à la faim. Avec 6 hectares de terres irriguées situées à
seulement une douzaine de kilomètres de la capitale, Mme Miyanda cultive du
maïs et des légumes qu’elle vend sur le grand marché de Lusaka. Elle engage des
voisins pour l’aider lors des plantations et des récoltes. Mais même dans ces
conditions, elle souffre du décalage entre le prix élevé de ce qu’il lui faut
acheter et le bas prix auquel se vendent ses produits sur le marché.
A cause de pluies irrégulières, de l’épuisement des sols et de plusieurs
décennies de sous-investissements et de désintérêt de la part des gouvernements
et donateurs internationaux, la pauvreté de ces cultivateurs s’est souvent
aggravée à mesure que l’agriculture africaine — principal pilier économique de
la région — passait à l’arrière-plan. De l’avis d’un nombre croissant de
gouvernements africains, d’institutions des Nations Unies et d’organismes non
gouvernementaux, si l’on ne s’efforce pas de toute urgence d’accroître les
rendements agricoles, de mettre en place des systèmes de transport et de
commercialisation et d’adopter des méthodes agricoles modernes et durables, le
continent africain n’atteindra pas ses objectifs de développement et la
population rurale, majoritaire, n’engrangera pas de récoltes suffisantes.
Projet de développement
On ne soulignera jamais assez l’importance de l’agriculture pour l’avenir
économique de l’Afrique. Plus de 65 % des quelque 750 millions d’habitants
de l’Afrique subsaharienne travaillent dans l’agriculture, et le secteur est à
l’origine de plus du quart du produit intérieur brut dans la plupart des pays.
Les produits agricoles représentent environ 20 % des échanges commerciaux
internationaux de l’Afrique et constituent l’une des principales sources de
matières premières pour l’industrie. Conscients de cette importance, les partisans du plan de développement du
continent, le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD),
ont publié en 2003 le Programme intégré pour le développement de l’agriculture
en Afrique (CAADP) (voir Afrique Relance de janvier 2004).
Ses objectifs sont ambitieux :
_ atteindre des taux de croissance de 6 % par an dans les zones
rurales d’ici à 2015,
_ intégrer et dynamiser les marchés agricoles régionaux et nationaux,
_ augmenter considérablement les exportations agricoles,
_ faire de l’Afrique un “acteur stratégique” à l’échelle mondiale dans le
domaine des sciences et technologies agricoles,
_ adopter des techniques adéquates de gestion de l’environnement et des
terres et réduire la pauvreté en milieu rural.
Le plan comprend quatre domaines prioritaires — ou grands axes —
d’investissement visant à revitaliser l’économie rurale :
_ accroître la
superficie des terres agricoles irriguées en Afrique et améliorer la gestion
des terres et les techniques agricoles afin de préserver et d’améliorer la
qualité des sols
_ investir dans les
infrastructures rurales, notamment des routes et chemins de fer, des sites de
stockage et de traitement, des marchés, des systèmes de communication et des
réseaux d’approvisionnement fiables pour les agriculteurs
_ faire de la
production alimentaire une priorité importante, pour combattre la faim et
développer les exportations, et améliorer les interventions d’urgence en cas de
catastrophe naturelle et de conflit
_ renforcer la
recherche et le développement dans le domaine agricole en Afrique, notamment en
ce qui concerne les méthodes technologiques et agricoles de pointe et faire
bénéficier rapidement et véritablement les agriculteurs, fournisseurs et acheteurs
des progrès réalisés.
Le CAADP met l’accent sur la concertation régionale dans les différentes
zones climatiques du continent et doit être mis en œuvre par les organismes
économiques régionaux existants et les gouvernements. Le coût total du programme
pour la période allant de 2002 à 2015 est estimé à 251 milliards de dollars —
soit environ 18 milliards de dollars par an. Bien qu’il soit prévu de financer
cette somme en partie en faisant appel à des donateurs, les analystes observent
que l’Afrique importe actuellement pour environ 19 milliards de produits
agricoles par an ; une partie importante de ce coût pourrait donc à terme être
prise en charge par les pays africains, à mesure que ceux-ci réduiront leurs
importations.
‘Vidé de sa substance’
Cependant, les obstacles à surmonter sont aussi importants que les
conséquences potentielles d’un échec. D’après les estimations du Programme
alimentaire mondial des Nations Unies, plus de 30 millions d’Africains ont
actuellement besoin d’aide alimentaire internationale. Des chercheurs de
l’Union africaine ont signalé en janvier que la population augmentait plus
rapidement que la production alimentaire du continent depuis 1993, ce qui
explique la hausse de 20 % du nombre de personnes souffrant de la faim —
de 176 millions à 210 millions. Les exportations commerciales ne se portent pas
mieux, la part de l’Afrique dans les échanges commerciaux mondiaux ayant reculé
dans neuf de ses dix principaux produits agricoles d’exportation.
La détérioration continuelle des sols de l’Afrique constitue un obstacle
important à la hausse des rendements, observe M. Amit Roy, directeur du Centre
international de développement des engrais (IFDC), un institut américain
oeuvrant en faveur des progrès de l’agriculture dans les pays en développement.
“Aujourd’hui, les trois quarts des terres agricoles de l’Afrique — quelque 170
millions d’hectares — sont abîmés, a-t-il déclaré fin mars à la presse à New
York. Résultat : le rendement céréalier stagne à une tonne par hectare, alors
que la moyenne mondiale est de 3 tonnes.” Chaque hectare de culture absorbe à
chaque saison plus de 45 kilogrammes de nutriments et de minéraux, a-t-il
expliqué, ce qu’on appelle ‘l’extraction de nutriments’. Lorsque les
agriculteurs cultivent les mêmes champs, saison après saison, et ne peuvent se
permettre de remplacer les éléments nutritifs du sol absorbés par leurs
cultures, le sol se vide en fait de sa substance.”
“Il faut que l’Afrique
réussisse à mieux appliquer les sciences et technologies aux problèmes
agricoles et à faire bénéficier les agriculteurs de ces progrès plus
rapidement.”
— Amit Roy, Centre international de développement des engrais
Selon les estimations, ce sont 8 millions de tonnes d’éléments nutritifs
qui sont consommées chaque année. Pour empêcher que les récoltes ne diminuent,
il est donc essentiel de restaurer l’azote, le potassium, le phosphore et les
autres minéraux absorbés par les plantes. La solution consiste en partie à
adopter de meilleures pratiques agricoles, notamment en diversifiant les
cultures, en améliorant les méthodes de préservation des sols et en utilisant
de meilleures semences et technologies. Mais pour entamer une véritable
“révolution” de l’agriculture africaine, a expliqué M. Roy à Afrique Renouveau,
il faut avant tout employer davantage d’engrais.
En Asie et en Amérique latine, les cultivateurs ont considérablement
amélioré leurs récoltes en augmentant la productivité des terres existantes,
alors qu’en Afrique on a cherché à produire davantage en cultivant de plus
grandes superficies. “Traditionnellement, les agriculteurs africains pratiquent
la culture sur brûlis, rappelle M. Roy. Ils défrichent une zone en y mettant le
feu, la cultivent pendant une saison ou deux, passent ensuite à une autre
parcelle et laissent la première en jachère."
On estime que 50 000 hectares de forêts et 60 000 hectares de savane
disparaissent ainsi chaque année en Afrique, ce qui nuit gravement à
l’environnement et contribue au recul de la production agricole par habitant
depuis 20 ans.
D’après le CAADP, les cultivateurs africains utilisent actuellement
beaucoup moins d’engrais que leurs homologues d’autres régions du monde (voir
graphique ci-dessus).
Dans une étude établie à l’occasion du Sommet de l’engrais africain,
organisé du 9 au 13 juin par l’Union africaine pour attirer l’attention sur la
crise des sols africains, des chercheurs de l’IFDC, Julio Henao et Carlos
Baanante, ont noté que l’utilisation d’engrais en Afrique n’atteint pas le
dixième de la moyenne mondiale, qui est de 100 kilogrammes. Cinq pays —
l’Éthiopie, le Kenya, l’Afrique du Sud, le Zimbabwe et le Nigéria — consomment
à eux seuls près des deux tiers de l’engrais utilisé en Afrique, principalement
dans les secteurs de l’agriculture commerciale et des exportations.
“L’utilisation négligeable d’engrais par les petits exploitants agricoles,
affirment les chercheurs, a pour beaucoup contribué au recul du rendement
agricole par habitant dans la région, qui a exacerbé la faim et la
sous-nutrition.”
Coûts élevés, faible offre
En plus des coûts de transport élevés et de l’absence de fournisseurs en
région rurale, la forte dépendance à l’égard d’engrais importés signifie que
les exploitants agricoles africains paient de deux à six fois le prix mondial
moyen de l’engrais — quand ils arrivent à s’en procurer. D’après l’étude de
l’IFDC, il est plus coûteux de transporter un kilo d’engrais d’un port africain
jusqu’à une ferme située 100 km à l’intérieur des terres que de l’acheminer
d’une usine américaine au port africain.
Pourtant, même une légère augmentation des quantités d’engrais utilisées —
qu’il s’agisse d’engrais à base d’azote, de phosphore ou de potassium — peut
avoir des effets spectaculaires. Il est ressorti d’une étude réalisée en
Éthiopie que l’ajout sur chaque plant d’environ une cuillerée d’engrais
chimique entraîne un accroissement exponentiel du rendement de millet.
On considère que cette technique de ‘microdosage’ est particulièrement
adaptée aux petits exploitants agricoles africains. Citant les risques que présenterait pour les sols et les sources d’eau de
l’Afrique une utilisation trop intensive des engrais chimiques — comme cela a
parfois été le cas pendant la ‘révolution verte’ de l’Asie — les partisans de
l’agriculture durable en Afrique estiment que les exploitants agricoles
devraient utiliser davantage de fumier animal, de compost et d’autres engrais
organiques.
Malgré leur importance, les engrais d’origine organique ont cependant
certaines limites que rappelle M. Roy. “La qualité du fumier animal dépend de
la qualité de l’alimentation des animaux. Les sols étant souvent gravement
appauvris, le fourrage contient peu des nutriments dont ont besoin les
récoltes.” Les engrais organiques ne suffisent pas “à répondre aux graves
problèmes de fertilité des sols africains. Nous devons accroître l’usage
d’engrais chimiques aussi bien qu’organiques."
Le CAADP est du même avis. Dans le cadre de la nouvelle approche intégrée
de l’agriculture africaine promue par le NEPAD, “les engrais minéraux et les
substances organiques sont considérés comme des compléments plutôt que des
substituts”.
Accroître la production locale d’engrais constitue un moyen d’en faciliter
la distribution à des prix plus abordables. Bien que l’Afrique ne consomme
qu’environ 1 % de la production mondiale d’engrais et en produise
actuellement encore moins, il serait possible de fabriquer de l’engrais à des
fins commerciales sur le continent. L’azote est l’une des substances les plus
courantes sur terre mais il faut beaucoup d’énergie pour la convertir en engrais.
Du fait de ses vastes ressources de gaz, en grande partie inexploitées,
l’Afrique de l’Ouest pourrait tout à fait fabriquer de l’engrais azoté.
L’Afrique dispose également de gisements importants de phosphore et exporte
déjà cette substance minérale aux cultivateurs chinois et indiens. Si ces
minéraux pouvaient servir à la production locale, l’Afrique n’aurait plus qu’à
importer de l’engrais potassique.
Mais les investissements nécessaires à la production d’engrais ne
s’effectueront que si la demande des exploitants agricoles augmente, affirme M.
Roy. Or, pour convaincre ces derniers que l’achat d’engrais est rentable, il
faudra considérablement améliorer les réseaux et l’infrastructure de transport
en milieu rural, développer le réseau de fournisseurs et de commercialisation
et donner de meilleures garanties de rentabilité.
Pas de solution miracle
“L’engrais ne suffit cependant pas à résoudre tous les problèmes agricoles
de l’Afrique, admet M. Roy. L’engrais ne sert à rien s’il arrive trop tard ou
si les cultures ne sont pas irriguées ou si vous ne pouvez vendre votre
récolte”.
Du fait de l’irrégularité des pluies dans de grandes parties de l’Afrique
orientale et australe, il est également urgent d’accroître la superficie des
terres irriguées. En février, le Directeur général de l’Organisation des
Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Jacques Diouf, a déclaré
aux ministres africains de l’agriculture réunis à Bamako que seuls 4 % des
terres arables sont irrigués en Afrique subsaharienne, contre 38 % en
Asie. Bien qu’une grande partie de l’Afrique ait d’abondantes réserves d’eau,
“la région utilise moins de 3 % de ses ressources en eau, le pourcentage
le plus faible du monde en développement”, a-t-il indiqué. Les chercheurs du
NEPAD estiment à 37 milliards de dollars les investissements initiaux
nécessaires à l’irrigation de 20 millions d’hectares supplémentaires de terres
agricoles, avec des frais d’exploitation en sus de 31 milliards de dollars
d’ici à 2015.
En l’absence de telles ressources, certaines initiatives locales novatrices
sont prometteuses. À Dowa (Malawi), Glyvyns Chinkhuntha a construit un système
d’irrigation par gravité pour sa ferme de 20 hectares, en n’utilisant que des
houes et des pelles. En puisant l’eau d’une rivière voisine, il a créé un
réseau de canaux d’irrigation pas plus larges que la lame d’une houe. Cela
montre qu’il existe des solutions locales aux problèmes agricoles de l’Afrique,
a déclaré au journal américain Christian Science Monitor M. Chinkhuntha.
“L’Afrique aurait largement de quoi manger, a-t-il ajouté, si les exploitants
agricoles pouvaient être mieux instruits et formés.
La reconstruction en milieu rural de réseaux d’approvisionnement et de
systèmes de commercialisation permettant aux agriculteurs de produire davantage
constitue un autre défi de taille. Gérés par l’État, les offices de
commercialisation de produits agricoles remplissaient auparavant ce rôle en
partie, en assurant la stabilité des prix et en fournissant des services de
crédit et des semences et technologies améliorées aux agriculteurs locaux. Mais
comme l’ont rappelé les chercheurs sud-africains Raj Patel et Alexa Delwiche,
la plupart de ces offices ont été supprimés pendant les années 1980 et 1990 à
la suite des politiques de privatisation du Fonds monétaire international et de
la Banque mondiale. “Aujourd’hui, en plus d’être directement exposés aux
fluctuations des marchés internationaux, les agriculteurs ne savent souvent pas
quand les acheteurs du secteur privé se manifesteront et sont donc contraints
de vendre leurs produits à bas prix au premier négociant venu”, ont-ils écrit
en 2002 dans une étude réalisée pour le compte de l’organisation non
gouvernementale américaine Food First.
A cause des problèmes de transport et d’acheminement, les régions éloignées
ne sont souvent pas desservies par les acheteurs privés, problème auquel sont
également confrontés les fournisseurs d’engrais, de semences et d’autres
facteurs de production agricole. M. Roy estime qu’une solution à long terme consiste à faire davantage
participer le secteur privé aux activités de commercialisation et
d’approvisionnement en milieu rural. Mais il reconnaît toutefois qu’en raison
du taux élevé de pauvreté en zone rurale et du besoin de “biens collectifs”
comme des routes et des marchés, les gouvernements africains ont un rôle
décisif à jouer en encourageant les investissements privés.
En 1998, un programme pilote mis en place par le gouvernement et des
institutions donatrices du Malawi a consisté à distribuer des petits “kits de
départ” d’engrais et de semences améliorées à quasiment tous les ménages des
régions rurales. Bien que le projet ait donné de bons résultats, il n’a pas pu
être adopté à grande échelle en raison de son coût élevé et de son manque de
viabilité. Au Kenya, explique M. Roy, les pouvoirs publics ont choisi de donner
davantage de moyens au secteur privé en investissant davantage dans
l’infrastructure, tandis que d’autres gouvernements ont tenté de répondre aux
besoins des agriculteurs en recourant à la fois à des subventions et à des
systèmes d’incitation du secteur privé.
Enfin, ajoute M. Roy, “il faut que l’Afrique réussisse à mieux appliquer
les sciences et technologies aux problèmes agricoles et à faire bénéficier les
agriculteurs de ces progrès plus rapidement”. A cet égard également, certains
projets sont prometteurs. En 1997, des chercheurs de l’Association pour le
développement de la riziculture en Afrique de l’Ouest ont mis au point des
variétés résistantes qui associent les meilleures caractéristiques des riz
africains et asiatiques (voir Afrique Renouveau , janvier 2004).
Des services de vulgarisation plus vastes et plus efficaces peuvent
également donner de très bons résultats en améliorant les techniques de gestion
des terres et de l’eau, en introduisant de nouvelles techniques (comme la
rotation des cultures et la polyculture au sein d’une même exploitation) et en
faisant bénéficier plus rapidement les agriculteurs des connaissances
scientifiques et des nouvelles technologies. “Le cultivateur africain est souvent une cultivatrice, conclut M. Roy. Et
c’est une bonne cultivatrice, capable de nourrir sa famille et le continent si
on lui en donne les moyens.”
Par : Michael Fleshman /
Afrique Renouveau / July 2006
http://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/july-2006/augmenter-les-rendements-agricoles-de-l%E2%80%99afrique
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2 - Agriculture :
investissement impératif
_ Le NEPAD encourage
le continent africain à investir davantage dans la production agricole
Dans les années 1990, lorsqu'on évoque la Sierra Leone il est plus souvent
question de ses diamants et de la guerre civile qu'ils alimentent. Désormais
cependant, les débats sur ce pays d'Afrique de l'Ouest qui a retrouvé la paix
peuvent porter sur tout autre chose, sur son impressionnante production
agricole par exemple. En 2009, selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation
et l'agriculture (FAO), la Sierra Leone a produit 784 000 tonnes de riz, bien
plus que les 550 000 tonnes nécessaires pour la consommation nationale et un
tiers de plus que la moyenne des cinq années précédentes.
Pour Marie Kargbo, qui cultive du riz sur un domaine de six hectares dans
le district de Kambia, dans le nord-ouest du pays, ses abondantes récoltes sont
le résultat du soutien des pouvoirs publics. "Auparavant, la vie des
exploitantes agricoles était très difficile," confiait-elle récemment à un
reporter de l'agence de presse Inter Press Service. "Mais maintenant, la
culture du riz est fructueuse. Nous avons reçu du gouvernement des semences,
des motoculteurs, des engrais et des pesticides." Certes le retour de la paix facilite la production. De même que les pluies,
irrégulières mais suffisantes. Le facteur essentiel est peut-être cependant
l'appui du gouvernement. En 2008, le Président Ernest Bai Koroma, élu l'année
précédente, a déclaré que l'agriculture serait la seconde priorité de son
administration en matière de développement (après l'énergie).
Le gouvernement a porté à 7,7 % la part de l'agriculture dans le budget de
2009 alors qu'elle était de 1,6 % en 2008. Le budget de 2010 l'a ensuite portée
à 10 %, propulsant la Sierra Leone parmi les douze pays africains ayant atteint
l'objectif continental fixé pour les dépenses agricoles. C'était en 2003, lors
du sommet de Maputo au Mozambique. Ce sommet a également approuvé un plan
détaillé pour l'agriculture africaine, connu sous le nom de Programme intégré
pour le développement de l'agriculture en Afrique (CAADP). Ce dernier fait
partie du Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), un
programme de l'Union africaine (voir Afrique
Renouveau , janvier 2004).
L'initiative agricole de la Sierra Leone a été directement inspirée par le
CAADP. En septembre 2009, lorsque le gouvernement a signé un accord CAADP, le
Président Koroma a déclaré: "C'est un important moment historique non
seulement pour la Sierra Leone, mais pour l'ensemble de l'Afrique. Nous voyons
dans le CAADP la pierre angulaire de nos efforts pour éliminer la pauvreté et
la faim."
Éviter une crise alimentaire
Pour la Sierra Leone et le continent, l'heure est critique. Début février,
la FAO indiquait que son indice des prix alimentaires avait augmenté pour le
septième mois consécutif. Il avait atteint des niveaux jamais connus depuis son
instauration en 1990 et avait dépassé les records établis au plus fort de la
crise alimentaire mondiale de 2007–2008 (voir Afrique
Renouveau , juillet 2008).
L'Afrique est particulièrement vulnérable à de telles augmentations de
prix, note le Secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon dans un rapport paru en
novembre 2010*
sur les "aspects sociaux" du NEPAD. La plupart des pays africains ne
produisant pas suffisamment pour nourrir leurs populations, le continent
dépense environ 33 milliards de dollars chaque année en importations
alimentaires, note le rapport.
Les pauvres, dont les dépenses alimentaires représentent une part
disproportionnée de leur maigre revenu, sont les plus durement frappés.
"La situation en matière de sécurité nutritionnelle et alimentaire demeure
précaire sur une grande partie du continent africain", souligne M. Ban.
En Octobre 2010, lors d'une conférence des ministres africains de
l'agriculture à Lilongwe, le Président Bingu wa Mutharika du Malawi, alors
président en exercice de l'Union africaine, attirait l'attention sur les
nombreuses implications de l'insécurité alimentaire. "Sans
nourriture," a-t-il déclaré, "les enfants ne peuvent pas étudier
convenablement. Sans nourriture, les travailleurs ne peuvent être productifs.
Sans nourriture, il est impossible de maintenir en état les forces de police et
de défense nationale…"
L'épine dorsale de l'économie
L'Afrique peut combattre l'insécurité alimentaire. Une augmentation des
investissements, de meilleures politiques agricoles et des aides aux
cultivateurs africains peuvent mener le continent vers une révolution agricole
déclare Ibrahim Assane Mayaki, Administrateur général de l'Agence de
planification et de coordination du NEPAD. "L'Afrique a le potentiel pour
devenir un important producteur et pour assurer sa sécurité alimentaire."
Pour le CAADP, développer la production agricole est essentiel pour
combattre la faim en Afrique. C'est également un choix avisé sur le plan
économique. Dans presque tous les pays africains (y compris les pays
producteurs de pétrole) l'agriculture est le principal secteur économique. Le volume
des récoltes est souvent le moteur principal de la croissance économique. Le
CAADP recommande que le secteur agricole enregistre une hausse de productivité
annuelle d'au moins 6 %.
Pourtant, des décennies durant, l'agriculture africaine a été délibérément
négligée. De nombreux gouvernements n'ont consacré à l'agriculture qu'un
minuscule pourcentage de leur budget, pendant que les donateurs consacraient
l'essentiel de leurs financements à d'autres secteurs.
Ces dernières années, les donateurs ont promis d'accroître leur
financement. Lors du sommet du G8 (le Groupe des huit pays les plus
industrialisés) de L'Aquila en Italie, leurs dirigeants se sont engagés à
verser environ 22 milliards de dollars à titre d'aide internationale à
l'agriculture, dont une bonne partie pour l'Afrique, dans les trois années à
venir. Mais à cause de la crise financière de 2008, cette promesse demeure pour
l'instant lettre morte, ou presque.
C'est pourquoi il est encore plus important que les gouvernements africains
fassent leur part, soutient M. Mayaki. "Nous devons tous trouver le
financement nécessaire. Il nous faut accroître le niveau de nos investissements
dans l'agriculture en Afrique."
"Pactes" agricoles
En 2007, les défenseurs du CAADP ont lancé une campagne visant à encourager
les pays africains à adopter les objectifs fixés à Maputo. Depuis lors, selon
une enquête de l'Union africaine et du NEPAD, huit pays africains (Comores,
Ethiopie, Madagascar, Malawi, Mali, Niger, Sénégal et Zimbabwe) ont consacré au
moins 10 % de leur budget à l'agriculture. Cette année là, le Rwanda est devenu
le premier pays à signer un Pacte CAADP.
Au titre de ce pacte, les ministres des finances et de l'agriculture ont
promis de porter de 4 % à plus de 10 % en l'espace de cinq ans la part des
dépenses gouvernementales consacrées au développement agricole (cette part
avait atteint 7 % en 2010). Les ministres, ainsi que les signataires du secteur
privé et de la société civile, se sont aussi engagés à se laisser guider dans
leurs activités par les quatre "piliers" thématiques du CAADP
(augmenter la superficie des terres et les systèmes de distribution de l'eau
bénéficiant d'une gestion viable à long terme, accroître l'offre alimentaire,
améliorer l'infrastructure rurale et l'accès aux marchés, et promouvoir la
recherche agricole). Progressivement, d'autres pays africains ont aussi signé des pactes.
La campagne s'est intensifiée en 2009, avec 12 signatures. Fin 2010, le
nombre de signataires avait atteint 22, six autres devraient s'y ajouter d'ici avril
2011. En novembre 2009 la Communauté économique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest a signé le premier pacte régional. Signer les pactes ne représente
qu'une première étape. La majorité des gouvernements tiennent ensuite des
consultations avec les organisations d'exploitants agricoles, les experts
techniques, les chercheurs, les représentants des donateurs et des milieux
d'affaires notamment pour élaborer des plans d'investissement détaillés.
Intrants et récoltes
en abondance
Au-delà des enjeux budgétaires, le problème est de savoir si les fonds
parviennent aux exploitants sur le terrain. Dans divers pays, l'expérience a
montré que les intrants essentiels — engrais, semences à haut rendement et
irrigation — peuvent contribuer de manière décisive à l'augmentation des
récoltes. Les subventions gouvernementales rendent ces intrants accessibles aux
exploitants pauvres, comme c'est le cas au Malawi (voir encadré ).
En 2009, le Mozambique a distribué 7 300 boeufs dans le cadre d'un
programme visant à étendre l'utilisation de la traction animale, mesure qui
devrait permettre aux familles de cultiver au moins cinq hectares chacune, au
lieu de la moyenne actuelle d'un hectare. Lors de cette même année, l'Ouganda a connu sa meilleure récolte de maïs.
"Nous avons distribué d'énormes quantités de semences de bonne qualité et
à haut rendement", explique Opolot Okasai, Commissaire du gouvernement,
responsable des intrants agricoles. En 2010, la distribution de semences s'est
poursuivie et la récolte de maïs a été près de deux fois supérieure aux besoins
nationaux. L'excédent a été exporté au Sud-Soudan et dans l'est de la
République démocratique du Congo.
En Tanzanie, les semences hybrides et les engrais ont permis d'obtenir une
récolte de riz excédentaire en 2010. La même année, les riziculteurs
sénégalais, qui produisent en général autour de 150 000 tonnes par an, ont
réussi à produire 350 000 tonnes, soit environ la moitié de la consommation
nationale. En plus des semences et des engrais, un programme d'irrigation
agricole bien financé s'est avéré décisif.
Il faut veiller en particulier à ce que cette assistance atteigne les
exploitantes, soulignent les experts. Si les services agricoles ont pour rôle
de fournir des semences de qualité, des engrais à des prix abordables, une
assistance à la commercialisation ou un accès facilité au crédit, ils
"doivent apporter l'appui nécessaire aux exploitantes, qui produisent la
majeure partie des vivres en Afrique", déclare Namanga Ngongi, président
de l'Alliance pour une révolution verte en Afrique, initiative non
gouvernementale de développement rural lancée par l'ancien Secrétaire général
des Nations Unies, Kofi Annan.
Plus généralement, les groupes d'exploitants doivent être mieux impliqués
dans l'élaboration des politiques et programmes agricoles, précisait M. Mayaki,
directeur du NEPAD, lors du premier Forum panafricain des exploitants
agricoles, qui s'est tenu au Malawi en octobre 2010. Parmi les participants, on
comptait des représentants de syndicats nationaux d'exploitants et de cinq
organisations régionales d'exploitants. "Les exploitants", a déclaré
M. Mayaki, "ont un important rôle à jouer dans la une bonne application
des principes fondamentaux du NEPAD : transparence, responsabilisation et prise
en main au niveau local."
Au Malawi, un exemple de succès
La plupart des exploitants africains n'ont pas les moyens d'acheter les
intrants agricoles essentiels. Au Malawi, depuis 2005, des subventions
gouvernementales leur permettent d'acquérir engrais et semences de maïs à haut
rendement à des prix réduits (voir Afrique Renouveau ,
octobre 2008).
Face au scepticisme de la Banque mondiale et d'autres donateurs, le
Président Mutharika a persisté. Les récoltes de maïs se sont prodigieusement
accrues. Le Malawi, autrefois victime de pénuries alimentaires produit
désormais bien plus de maïs qu'il n'en consomme. Il fournit même une aide
alimentaire à d'autres pays africains.
Ce changement a fait grimper les revenus des population rurales. En 2009,
le Ministère malawite des finances estimait qu'au cours des quatre dernières
années la proportion de personnes vivant au dessous du seuil de pauvreté était
tombée de 52 % à 40 %.
D'autres pays africains ont suivi l'exemple du Malawi et subventionné à
leur tour les intrants destinés aux petits exploitants. Devenu président de
l'Union Africain en 2010, le Président Mutharika a exhorté les gouvernements
africains à augmenter leurs budgets agricoles et à fournir davantage d'intrants
agricoles. Une réunion des ministres africains des finances, de la
planification économique et du développement, tenue en mars 2010 à Lilongwe
(Malawi), a recommandé que les gouvernements subventionnent les petits
exploitants et stabilisent les marchés pour ceux qui produisent des excédents.
* "Les aspects sociaux du Nouveau Partenariat pour le développement de
l'Afrique: Rapport du Secrétaire-général," E/CN.5/2011/4, 23 novembre
2010.
Par : Ernest Harsch /
Afrique Renouveau / April 2011
http://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/april-2011/agriculture-investissement-imp%C3%A9ratif
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3
- Ebola : huit Chinois en quarantaine en Sierra Leone
Huit agents de santé chinois ont été placés en quarantaine en
Sierra Leone après avoir soigné des malades d’Ebola, l’épidémie qui a obligé
lundi le Liberia à mettre en quarantaine une troisième province affectée. La
flambée de fièvre hémorragique qui a déjà fait près de 1 000 morts en Afrique
de l’Ouest continue de susciter inquiétude et mobilisation à travers le monde.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a discuté lundi à huis
clos avec des experts en éthique médicale de l’éventualité d’une utilisation de
traitements expérimentaux. Les personnels de santé restent en première ligne:
sept médecins et un infirmier chinois qui avaient soigné des patients d’Ebola
ont été «placés en quarantaine» ces deux dernières semaines en Sierra Leone, a
annoncé l’ambassadeur de Chine à Freetown, Zhao Yanbo. De son côté, le Liberia
s’est vu contraint de muscler son dispositif.
La présidente Ellen Johnson Sirleaf a annoncé la mise en
quarantaine de la province de Lofa (nord), la troisième région concernée par
cette mesure exceptionnelle. La région de Lofa est frontalière de la Guinée et
de la Sierra Leone, deux pays frappés par l’épidémie qui touche également
depuis juillet le Nigeria. Selon le dernier bilan annoncé la semaine dernière,
la maladie a déjà causé la mort de plus de 960 personnes sur près de 1 800 cas
(confirmés, suspects ou probables), essentiellement dans les trois premiers
pays. Cela représente un taux de décès de 54%. Par mesure de prudence, la Côte
d’Ivoire, où aucun cas n’a été signalé, a suspendu les vols de sa compagnie
nationale avec les pays touchés. Elle a aussi interdit à toutes les compagnies
de transporter les passagers de ces zones vers Abidjan.
La Côte d’Ivoire est ainsi allée plus loin que les
recommandations de l’OMS qui a décrété la semaine dernière une «urgence
sanitaire mondiale» à propos d’Ebola, mais s’était refusé à déconseiller le
déplacement dans les pays affectés. Au nom de la «vigilance», le gouvernement
ivoirien a annoncé avoir refoulé ces derniers jours «près d’une centaine de
clandestins libériens» qui tentaient d’entrer dans le pays. Pays le plus peuplé
d’Afrique, le Nigeria a confirmé un nouveau cas à Lagos, plus grande ville
d’Afrique de l’Ouest, portant à dix le nombre total de personnes touchées,
selon le ministère nigérian de la Santé. Parmi elles, deux personnes sont déjà
mortes, dont un Américano-Libérien, Patrick Sawyer, décédé fin juillet à Lagos
où il était venu en voyage. «Un fou», a tranché le président nigérian Goodluck
Jonathan en condamnant celui qui «a apporté Ebola» dans le pays. Le
gouvernement fera «tout son possible» contre le virus, a-t-il promis devant des
chefs religieux à Abuja.
Ethique
médicale en question
Ces derniers jours, des malades présentant des symptômes proches
de ceux d’Ebola ont été placés en quarantaine dans certains pays en Afrique
comme en Europe et en Asie, mais les résultats des tests ont exclu la présence
du virus, comme au Bénin et en Roumanie. L’analyse était en cours lundi pour un
Allemand en isolement au Rwanda. En revanche, un religieux ghanéen, qui
travaillait dans le même hôpital de Monrovia que le prêtre espagnol qui a été
le premier rapatrié européen infecté par Ebola, est décédé dans la nuit de
dimanche à lundi. Il s’agit du troisième décès parmi le personnel de cet
hôpital catholique.
L’OMS, qui va recevoir 5 millions de dollars d’aide du Koweït,
cherche à définir une position devant les appels pressants à utiliser des médicaments
non autorisés pour tenter de sauver les malades. Elle a tenu dans cet objectif
une téléconférence entre experts, notamment sur les questions d’éthique
médicale.
Après le traitement, avec de premiers résultats positifs, de
deux Américains - contaminés au Liberia puis transférés dans leur pays - par
l’un de ces médicaments conçu par la firme américaine Mapp Pharmaceuticals, les
appels à son emploi se sont multipliés. Même s’il n’avait jamais été jusque-là
expérimenté sur l’homme, et qu’il n’est donc agréé par aucune autorité
sanitaire. «Est-il éthique d’employer des médicaments non agréés, et si
c’est le cas quels critères doit-on définir, dans quelles conditions doit-on
administrer ce traitement et qui doit être traité?» , telles sont
quelques-unes des questions auxquelles cette réunion devait répondre, a indiqué
à l’AFP Marie-Paule Kieny, assistante au Directeur général de l’OMS. Le
président guinéen Alpha Condé, dont le pays a été le premier frappé, a appelé à
«faire d’Ebola une préoccupation mondiale jusqu’à la production du vaccin»
contre ce virus.
AFP
11 août 2014
http://www.liberation.fr/monde/2014/08/11/ebola-huit-chinois-en-quarantaine-en-sierra-leone_1079272
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4 - Ebola, c’est aussi une
affaire militaire
Alors que l’épidémie d’Ebola continue de s’étendre en Afrique de l’Ouest,
un sérum vaccinal a été envoyé hier par les Etas-Unis au Liberia. La lutte se
poursuit sous le signe d’une crainte d’une pandémie.
L’Afrique de l’Ouest est en proie à la plus grande épidémie de fièvre
hémorragique Ebola depuis l’apparition de ce virus dans les années 70. Plus de
1000 morts en cinq mois ; jamais ce virus, incurable et au taux de létalité
très élevé, ne s’était autant répandu et cela aussi rapidement. Habituellement
circonscrit aux régions reculées de la République démocratique du Congo, en franchissant
les frontières de l’ex-Zaïre, le virus, qui n’en est pas encore au stade de la
pandémie, a eu un impact sur les armées d’une région déjà en proie à une
fébrilité sécuritaire prononcée. AQMI, Mujao et Boko Haram à l’Ouest, Shebab et
LRA à l’Est, guerres civiles en Libye et au Sud Soudan, de Bab El Mandeb à la
Casamance : un arc de crise s’est établi. Les forces de l’ordre en Guinée,
Sierra Leone, Liberia et Nigeria sont sur le qui-vive, établissant parfois des
zones de quarantaine ou interdisant l’accès aux villes aux populations venant
de régions où la contamination est avérée.
Gap
Les armées de ces pays qui ont, pour le cas du Liberia et de la Sierra
Leone, connusdes guerres civiles et où il existe un véritable gap de confiance
entre la population et les autorités, doivent faire usage de la force pour
empêcher les populations infectées de forcer le passage vers les centres de
soins. Le 4 août, les autorités sierra-léonaises ont ordonné à leurs citoyens
de ne pas quitter leurs domiciles, des barrages routiers ont été établis par
l’armée pour quadriller les zones infectées.
Un porte-parole de l’armée a affirmé que les convois médicaux et les
ambulances ainsi que les hôpitaux et dispensaires seront protégés par des
soldats. Seul le personnel médical ou militaire sera autorisé à circuler ou
franchir les barrages. Au Liberia voisin, dont la capitale Monrovia a connu les
premiers cas de contamination, les cadavres s’amoncellent dans les rues et
depuis une semaine l’armée patrouille dans la ville après que la présidente
Ellen Johnson Sirleaf a décrété l’état d’urgence.
Soutien
Les casques bleus de la mission Unmil, sous bannière de l’ONU, apportent un
soutien sur le terrain à la task force chargée de contenir l’épidémie. Ces
mêmes casques bleus ont été impliqués dans de violents accrochages dans la
région de Lofa et Voinjama, impliquant des populations terrorisées essayant de
gagner la capitale. Pas encore touché par l’épidémie d’Ebola, le Ghana, qui
fait office de puissance régionale, a mis en branle un dispositif sécuritaire
pointu, interdisant les vols en provenance de pays infectés, allant même
jusqu’à restreindre les escales des avions d’évacuation américains sur son
territoire.
Toutes les localités frontalières du Nigeria et du Liberia subissent une quarantaine
forcée, y compris le principal camp de réfugiés libériens. Malgré cela, de
l’avis d’experts ghanéens, ce pays manque cruellement de moyens de gestion de
l’épidémie. En effet, si elles arrivent à juguler les flux humains, les
autorités de ce pays ne sauront que faire des premiers cas s’ils venaient à se
déclarer.
Gage
L’Algérie a, depuis le 10 août, pris une série de mesures sanitaires dans
les wilayas de l’extrême Sud. Tamanrasset fait office de poste sanitaire
avancé, et une promesse d’étendre le dispositif à l’ensemble des grandes villes
a été faite, et ce, dans un avenir très proche. Les frontières avec le Mali, le
Niger et la Mauritanie, qui sont déjà sous surveillance dans le cadre de la
lutte contre le terrorisme, se retrouvent avec une brique de tension
supplémentaire, cette fois-ci biologique, le risque étant un afflux massif de
réfugiés vers la ville la mieux équipée en infrastructures de santé qu’est la
capitale de l’Ahaggar.
Aujourd’hui, l’armée algérienne qui dispose de capacités effectives de
lutte NBC (nucléaire, bactériologique et chimique) aura la double tâche de
verrouiller l’accès aux migrants infectés, tout en jouant un rôle effectif dans
la lutte contre la maladie bien au-delà des frontières, seul gage de protection
du pays. C’est ce que conseillait David Hayman, expert épidémiologue dans les
colonnes du The Guardian. «Le contrôle des frontières donne une fausse
impression de sécurité», affirme-t-il ; il s’agit, selon lui, d’axer les
efforts dans la sensibilisation des populations et du traitement des cas
positifs pour enrayer la propagation.
Publié le 15.08.14/
http://www.elwatan.com/international/ebola-c-est-aussi-une-affaire-militaire-15-08-2014-268060_112.php/
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5 - Terrorisme : l’Afrique à la
croisée des chemins
Le spectre du terrorisme hante l’Afrique. Mali, Nigéria,
Algérie, Somalie, Kenya, Ouganda… le développement des organisations
terroristes et criminelles devient un problème de plus en plus urgent à
résoudre pour les autorités africaines concernées. Au moment où les enjeux de
l'action terroriste deviennent de plus en plus importants, la situation semble
paradoxale : d’une part les moyens pour une politique anti-terroriste efficace
et durable font défaut ; d’autre part, les groupes criminels deviennent de plus
en plus puissants et gagnent de l’influence au niveau de populations
désespérées qui rêvent de lendemains meilleurs.
Le terrorisme annihile toutes les perspectives des programmes de
développement économiques et sociaux dans les zones où il prolifère. La
situation est telle que ces organisations criminelles s’imposent comme les
principaux acteurs et régulateurs de zones sous leur contrôle en Afrique
subsaharienne. Les flux économiques (commerce légale et trafics illégaux) et de
personnes (migrations de populations autochtones, circulation des touristes et
du personnel des ONG et aux acteurs de la communauté internationale) sont en
passe d’être sous le contrôle complet des groupes terroristes au Sahel et au
Sahara. Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), par exemple, est en passe de
transformer le Sahara en vrai marché. Le nouveau « Sahara Stock Exchange » est
de plus en plus actif avec pour valeur de transaction les otages internationaux
et toutes sortes de biens matériels objets de trafics (cigarettes, drogues,
armes). Avec des revendications d’ordre politique et social, les actions
d’Ansar Dine, autre groupe terroriste salafiste qui contrôle désormais le Nord
Mali, sont facilitées par la disponibilité des sources illicites de financement
et la coopération avec d’autres mouvements tels que Boko Haram (l'instruction
est illicite) et le Mouvement d'Unité pour le Jihad en Afrique de l'Ouest
(MUJAO).
Comme l’a montré Abdelkader Abderrahmane, chercheur à la
Prévention des Conflits et Analyses des Risques' (CPRA) et à l’Institut
d'Etudes de Sécurité (ISS) (Ethiopie) dans un papier publié récemment, le
Trafic d'armes, de drogues et le blanchiment d'argent sont devenus monnaie
courante entre tous ces groupes criminels. De plus, « des liens grandissants se
tissent entre les narco-terrroristes présents en Afrique de l'ouest et les
groupes mafieux européens tels que la Camorra » poursuit le chercheur. Par le
biais de ces coopérations, ces groupes qui font beaucoup parler d’eux s'aident
mutuellement, bénéficient de leurs expertises respectives et pourront à court
terme se transformer en groupes hybrides comme le sont actuellement les Forces
Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) qui sont un exemple de groupe basé
sur une idéologie politique qui, avec le temps, a muté en groupe
crimino-narco-terroriste selon Abdelkader Abderrahmane.
Il semble donc urgent de trouver des solutions pour endiguer
cette prolifération terroriste et criminelle. Un meilleur contrôle des
transferts d’armes conventionnelles à l’intérieur du continent est le prélude à
cette lutte. La transparence de tout contrat d’armement devrait être confirmée
par une autorité compétente africaine. Beaucoup plus de clairvoyance de la part
des autorités politiques pourrait, de plus, permettre des avancées
significatives dans la lutte contre le fait terroriste en Afrique. Pour le cas
malien, il est important de palier tout risque de contagion régionale.
L’impasse géopolitique dans laquelle se trouve actuellement le Mali devient de
plus en plus préoccupante. Le no-man-land que devient cette partie du Sahara
peut être le prélude à une nouvelle dynamique terroriste, une base arrière et
un centre de formation pour tous ceux qui se reconnaissent dans cette
stratégie. Le processus démocratique qui a nécessité tant d’effort pour
s’enclencher risque de s’effondrer sous l’action de ces groupes criminels et
l’Afrique en a assez de devoir toujours « repartir à zéro ».
Papa Modou Diouf
http://terangaweb.com/terrorisme-lafrique-a-la-croisee-des-chemins/
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